- Exposition: Napoléon et la botanique
- Plantes et leurs symboles
La botanique a seule le privilège de frapper des médailles impérissables
Lettre de Monsieur de Baune à Philippe Picot de Lapeyrouse, 6 avril 1808
900 lettres conservées dans les archives du Muséum d'histoire naturelle de Paris témoignent du rôle extrêmement important joué par la botanique dans la politique depuis la Révolution française, et en particulier sous Napoléon. Les plantes étaient échangées entre institutions et plantées dans de nouveaux territoires. Elles portaient également le nom de l'Empereur pour afficher un soutien politique.
Hommage à Napoléon et l’Empire
On dit que Napoléon aimait les cerises. Lors de ses déplacements en calèche, il mangeait un petit sac de cerises, crachant les noyaux à l'extérieur de la portière. La variété de cerise Bigarreau Napoléon (Prunus Avium) est originaire d'Asie centrale. On dit que le botaniste belge Louis Joseph Ghislain Parmentier a donné à cette variété le nom de cerise Napoléon en 1820, indiquant ainsi sa position politique. Ce nom s'est rapidement répandu en France et en Angleterre, où certains ont baptisé la cerise bigarreau Wellington, du nom du commandant de l'armée anglo-alliée ayant vaincu Napoléon à Waterloo. Mais pour la postérité, seul le nom Napoléon a survécu.
Partout où elles se rendent, les armées de Napoléon reçoivent l'ordre de collecter des roses et de les envoyer à la Malmaison. Joséphine recueille ainsi 250 variétés de roses dans les jardins de la Malmaison. La forme curieuse des bords moussus des pétales de R. centifolia muscosa cristata va notamment rappeler à Jean-Pierre Vibert, son cultivateur, le tricorne de Napoléon. C'est pourquoi il la baptise alors "Chapeau de Napoléon".
Jusqu'à sa mort en 1866, Vibert, qui avait été soldat dans l'armée napoléonienne, cultive le mythe de Napoléon et de son épouse Joséphine à travers la culture des roses. Il fut l'un des membres fondateurs de la Société d'Horticulture de Paris (aujourd'hui Société Nationale d'Horticulture). Le "Chapeau de Napoléon" était l'une de ses roses les plus populaires.
En 1804, année du couronnement de Napoléon, une nouvelle famille de plantes apparaît : Napoleonaea. Le botaniste Ambroise Marie François Joseph Palisot de Beauvois décrit la première plante de la famille, qu'il nomme Napoleonaea imperialis. Ses fleurs en rosette ressemblent à une couronne : un nouvel empereur, une nouvelle dynastie, une nouvelle plante familiale.
La famille Napoleonaea a longtemps été acceptée par les botanistes et a ensuite été intégrée aux Lecythidaceae. Le genre Napoleonaea compte aujourd'hui près de vingt espèces, toutes originaires de l'Afrique tropicale occidentale et centrale.
En 1802, les deux botanistes ibériques Ruiz et Pavón dédient à Napoléon une plante collectée au Pérou, la Bonapartea juncea, mieux connue aujourd'hui sous le nom de Tillandsia juncea. Les botanistes espagnols avaient l'habitude de dédier leurs plantes à des hommes politiques. La dédicace à Napoléon visait probablement à les associer au premier ministre espagnol Manuel de Godoy, un pro-français récemment revenu au pouvoir, comme le souligne leur dédicace :
Genre dédié à Napoléon Bonaparte, refondateur de la République française reconstituée, Premier consul, commandant toujours invincible, protecteur de la botanique, de toutes les sciences fécondes et des arts (...).
Joséphine et Malmaison, symboles de développement botaniques
Dire que l'impératrice Joséphine aimait les plantes serait sans doute un euphémisme. En 1799, elle acquiert le palais de la Malmaison, qui devient sa fierté et qu'elle remplit de plantes exotiques du monde entier, dont le Josephinia imperatricis.
La Josephinia imperatricis appartient au genre sesamum, un groupe de plantes à graines comestibles, comme le Sesamum indicum qui nous donne les graines de sésame. La plante reçoit son nom lorsqu'elle est rapportée en France en 1803 de Nouvelle-Hollande (aujourd'hui l'Australie), lors de l'expédition Baudin.
En 1802, Ruiz et Pavón dédient la plante Lapageria rosea "à l'excellente Joséphine de La Pagerie, très digne épouse de Napoléon Bonaparte, ardent défenseur de la botanique et des sciences naturelles". Cette fleur, qui pousse à l'origine dans les forêts du sud du Chili et dont elle est le symbole national, est plus connue sous le nom de copihue. Elle allait de pair avec la dédicace de la Bonapartea juncea du Pérou.
Le travail de Joséphine pour répertorier et conserver ses plantes fût méticuleux. Afin de les immortaliser, elle demanda au peintre Pierre-Joseph Redouté de les représenter. Grâce à son œuvre monumentale "Les Roses", nous pouvons aujourd'hui identifier certaines variétés disparues. La collection de la Malmaison a alimenté l'industrie horticole du XIXe siècle avec des classes et des variétés de roses parmi les plus belles jamais produites. En 1843, Jean Beluze rend d’ailleurs hommage au jardin des merveilles de la Malmaison avec la rose Souvenir de la Malmaison.
Marie-Louise d’Autriche et la violette
Marie Louise d'Autriche, la seconde épouse de Napoléon, eut un rôle plus subtil à l'égard des plantes. Le plus remarquable fût lié à la violette. Grande admiratrice du parfum de la petite fleur et de sa couleur, elle l'utilise pour les uniformes des valets et des courtisans. Quand elle devient duchesse de Parme en 1816, la violette est rapidement adopté comme un symbole de la ville.
Elle peint et brode des violettes à de nombreuses occasions. Elles deviennent si importantes pour elle qu'elle ajoute parfois une petite fleur à sa signature. Deux espèces de violettes lui ont même été dédiées : La duchesse de Parme et la Marie Louise.
Curieusement, il semble que Marie Louise ait découvert le parfum des violettes par l'intermédiaire de Joséphine, la première épouse de Napoléon. On raconte que Joséphine avait un bouquet de fleurs épinglé sur sa poitrine lorsqu'elle rencontra Napoléon pour la première fois. Il s'agissait d'un symbole de leur amour, et Napoléon adopta également les violettes comme symbole de son parti. C'est pourquoi on appela Napoléon depuis cette époque le “Caporal Violette”.
La forêt, symbole du pouvoir
Les forêts, tout comme les jardins, étaient considérées comme des terres productives, mais aussi comme des terres de chasse. Cette activité renvoie toujours la question du statut : posséder une forêt et avoir le droit d'y chasser était un privilège réservé à quelques personnes.
Devenue impopulaire après la Révolution française en raison de ses liens évidents avec l'Ancien Régime et l'aristocratie, Napoléon comprend vite l'importance de la chasse pour la représentation du pouvoir. Il renoue avec la tradition et organise des parties de chasse spectaculaires dans ses résidences, à Rambouillet, Fontainebleau et Saint-Germain-en-Laye notamment. Pour renforcer son image de souverain pacifique et rechercher le consensus populaire, il organise également des "spectacles" de chasse auxquels le public peut assister.
La forêt constitue également un lieu neutre pour les rencontres. L'une des plus célèbres eut lieu en 1804, avec le pape Pie VII. Trois ans auparavant, Napoléon avait signé le concordat, ramenant la paix entre l'Église et l'État après dix ans de tensions liées à la Révolution française. C'est pourquoi le pape accepte d’assister au sacre de Napoléon, afin de remplir l'élément religieux, même s'il est réticent à participer à la cérémonie. Alors que le pape se rend à Paris, accompagné de plus d'une centaine de personnes, Napoléon intercepte "accidentellement" son voyage lors d'une partie de chasse dans la forêt de Fontainebleau. Le pape descend de sa voiture et rejoint Napoléon dans la sienne. Ils sont accueillis sur le chemin du château par le public et les officiels, dans une arrivée très symbolique du pouvoir religieux et politique réunis.