Joseph Bologne, Chevalier de Saint-Georges

Joseph Bologne, connu sous le nom de Chevalier de Saint-Georges, était un compositeur de musique classique, un chef d'orchestre et un champion d'escrime du XVIIIe siècle. Son héritage métis, fils d'un père blanc et d'une mère noire, a conditionné sa vie dans la société parisienne et française des années 1700.

Qui était le Chevalier de Saint-Georges ?

Né en 1745 en Guadeloupe, Joseph Bologne est le fils d'Anne (dite Nanon), esclave d'origine sénégalaise, et de Georges de Bologne Saint-Georges, le maître esclavagiste de Nanon. Bien que Nanon soit l'esclave de sa femme Elisabeth, Georges de Bologne a reconnu être le père du jeune Joseph et lui a donné son nom de famille, dont une partie - « Saint-Georges » - a été attribuée d'après ses plantations en Guadeloupe.

En 1753, Georges emporte Joseph, alors âgé de 7 ans, en France pour y être éduqué. Joseph est envoyé dans un internat, tandis que son père retourne en Guadeloupe. Deux ans plus tard, Georges et Nanon viennent en France et s'installent dans un appartement dans le quartier Saint-Germain à Paris.

Jusqu'alors, dans la société française, Georges Bologne était roturier. En 1757, sa situation change lorsqu'il reçoit le titre de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.

Joseph a grandement bénéficié de la position de son père dans la société. Cependant, en raison du Code Noir, les lois racistes françaises qui restreignaient la vie des personnes noires à partir du XVIIe siècle, le jeune Joseph n'était pas éligible pour hériter des titres de son père, en raison de son métissage et du fait que ses parents n'étaient pas mariés.

Tout ce contexte a eu un effet sur les trois carrières et activités que Joseph a suivies simultanément tout au long de sa vie d'adulte : escrimeur, militaire et compositeur de musique.

La carrière d'escrime du Chevalier de Saint-Georges

Dès ses 13 ans, Joseph fréquente l'Académie royale polytechnique des armes et de l'équitation, où il apprend l'escrime et l'équitation.

Il progresse vite en devenant un champion d'escrime et un cavalier accompli en quelques années. Ses bras ont été décrits comme étant plus rapides que la foudre. Joseph a disputé de nombreux duels et combats en France, ainsi qu'en Angleterre.

Ses exploits sportifs, ainsi que son charisme et sa beautée, l'ont rendu célèbre, et il est devenu la coqueluche de la société parisienne.

Carrière militaire

Quand il est diplômé en 1766, Joseph est fait Gendarme de la Garde du Roi et chevalier, membre des ordres de chevalerie. Dès lors, Joseph sera connu sous le nom de « Chevalier de Saint-Georges ».

La Révolution française débuta en 1789. Elle a profondément affecté la vie ultérieure de Joseph qui décida de s'enrôler dans l'armée révolutionnaire, afin de lutter pour la liberté et l'égalité.

En septembre 1792, une cavalerie de volontaires antillais et africains est fondée, et Joseph en devient un colonel. Elle se nommait la Légion franche à cheval des Américains et du Midi, mais on l'appela ensuite la Légion Saint-Georges en raison de la performance exceptionnelle de Joseph. Elle fut le premier régiment d'armée entièrement noir en Europe.

L'un de ses officiers était Thomas-Alexandre Dumas, futur général en chef de l'armée française et père de l'auteur des Trois Mousquetaires.

Cependant, cette carrière a souvent été assaillie d'accusations par d'autres. Peu de temps après avoir été nommé colonel, il a dû défendre son rôle face à des accusations selon lesquelles il utilisait de l'argent militaire pour payer des dettes personnelles (dont la plupart étaient basées sur des rumeurs). Une enquête a innocenté Joseph de toutes ces accusations.

Plus tard, pendant la Terreur, lorsque les révolutionnaires français se sont retournés contre leurs propres forces, les soupçonnant de sympathies royalistes, Joseph a été renvoyé et emprisonné pendant 18 mois. Il a également été condamné par la critique pour avoir participé à des activités non révolutionnaires comme la musique.

Après cela, il retourna en Guadeloupe et tenta de regagner son rang militaire et son régiment. Il a finalement été renommé colonel du régiment, mais il y avait déjà deux autres colonels dans le régiment. Au final, la carrière militaire de Joseph prend fin en 1795.

Les performances musicales

En 1769, le public parisien est stupéfait de voir Joseph, jusque-là connu comme étant un grand escrimeur et athlète, jouer du violon dans Le Concert des Amateurs, un orchestre de 70 membres dirigé par François-Joseph Gossec. Quatre ans plus tard, Joseph en devient le chef d'orchestre, mais l'ensemble est finalement dissous en 1781 en raison du manque de financement.

Au cours de sa longue carrière musicale, Joseph a écrit de nombreuses symphonies, sonates, concertos, opéras et quatuors à cordes.

En 1776, Joseph est proposé comme prochain directeur de l'Opéra de Paris, qui connaît des difficultés financières et artistiques.

Cependant, trois des chanteuses principales ont présenté une motion à la reine Marie-Antoinette disant qu'elles ne seraient pas en mesure de recevoir des ordres d'une personne métisse. Marie-Antoinette était connue pour assister à certains concerts de Joseph. Pour éviter que l'affaire ne mette la reine dans l'embarras, il fait retirer son nom de la liste des candidats.

Un an plus tard, son premier opéra, Ernestine, est présenté à la Comédie-italienne. Cependant, la critique ne fut pas favorable, et la pièce s'arrêta après la première.

Par la suite, Marie-Antoinette préféra faire l'expérience de la musique dans des lieux moins publics. Dans son salon de Versailles, elle a limité le public à son cercle intime et à quelques musiciens. Le Chevalier de Saint-Georges était invité à jouer de la musique pour la reine, il jouait probablement du violon pendant qu'elle faisait du piano-forte.

Héritage

Le 10 juin 1799, Saint-Georges meurt d'une maladie de la vessie. Au cours des deux derniers siècles, le souvenir du Chevalier de Saint-Georges s'est estompé. Nombre de ses compositions musicales ont été perdues pour l'Histoire à la suite de la Révolution française, bien qu'une grande partie de son œuvre puisse encore être appréciée aujourd'hui.

Aujourd'hui, Joseph Bologne, le Chevalier de Saint-Georges, est surtout connu comme l'un des premiers compositeurs classiques d'ascendance noire, ainsi que comme un chef militaire révolutionnaire.

Traduction : Nolwenn Gouault