Histoire

Madame Delait, la femme à barbe

Photographie en noir et blanc, de Madame Delait, regardant le photographe par le biais d'un miroir.

Clémentine Delait devint célèbre au début des années 1900

par
Adrian Murphy (s'ouvre dans une nouvelle fenêtre) (Europeana Foundation)

Clémentine Delait était une femme à barbe française qui trouva la célébrité, au début du XXe siècle, en tirant le meilleur de ses attributs physiques tout en jouant avec les notions de genre et en créant sa propre notoriété.

Portrait en noir et blanc de Madame Delait

Clémentine Clattaux est née en 1865 à Chaumousey, dans les Vosges, dans l'est de la France. Au cours de son adolescence, elle a commencé à développer un système pileux inhabituel pour une adolescente, en particulier sur son visage.

Cette pilosité est une caractéristique rare mais naturelle, connue sous le nom d'hirsutisme ou d'hypertrichose. Les causes peuvent être multiples : kystes ovariens, médicaments ou autres.

Photographie en noir et blanc de Madame Delait assise à une petite table et tenant un livre dans sa main gauche.

On savait peu de choses sur de telles conditions hormonales au XVIIIe siècle. Les femmes à barbe ont ainsi défié les notions de genre et de « race ».

Les femmes blanches qui développaient des poils sur le visage ont été interrogées sur leur genre : étaient-elles des hommes ou des femmes ? Quant aux femmes noires présentant les mêmes conditions, elles étaient perçues de manière raciste comme une preuve de l'évolution de l'homme depuis le singe.

De nombreuses dames barbues ont attiré l'attention du public dans le cadre de spectacles de cirque, comme ceux de Barnum & Bailey. Ces spectacles exposaient des personnes présentant des conditions tout à fait naturelles comme une « curieuse collection de monstres », une façon plutôt exploitante et abusive de les décrire.

Cette affiche de 1899 inclut une femme à barbe.

Affiche en noir et blanc d'un spectacle de cirque avec de nombreux protagonistes de la troupe dont une femme à barbe.

Madame Delait, quant à elle, prit davantage le contrôle de son image.

En 1900, elle visita un carnaval et croisa une dame barbue, mais elle ne fut pas impressionnée par son début de barbe. Ayant rasé son visage dès son plus jeune âge, Clémentine Delait et son mari ont parié qu'elle pourrait se faire pousser une bien plus belle barbe.

En 1885, elle avait ouvert un café à Thaon-les-Vosges avec son mari qui était boulanger. Le pari de la barbe avait déjà amené de nombreux clients au café des Delait, qui, ensuite, ont changé son nom pour le Café de la Femme à Barbe.

Photographie sépia de Madame Delait posant dans sa calèche devant son café. Sur le fronton est écrit : « Café de la femme à barbe »
Carte postale de Madame Delait derrière son bar.

Dès lors, elle commença à porter une barbe bouclée.

En 1904, elle reçoit l'autorisation des autorités de porter des vêtements masculins, car il était illégal pour les femmes de le faire à cette époque.

Photographie de Madame Delait, dans un jardin, habillée en vêtements d'homme et posant sur un vélo.

Profitant de sa renommée, Delait a posé pour de nombreux photographes qui ont publié des cartes postales de « Madame Delait, la Femme à barbe ». Elle adoptait des positions et portait des vêtements traditionnellement féminins mais aussi masculins.

Carte postale de Madame Delait en robe élégante, sous une ombrelle, assise à une table dans un jardin avec deux chiens.
Carte postale d'un portait de Madame Delait posant debout.
Carte postale de Madame Delait en costume d'homme, chapeau et canne à la main. Elle est assise à une table dans un jardin, fume et boit une bière.

Pendant la Première Guerre mondiale, elle travailla pour la Croix-Rouge. Les soldats français de 1914-1918 étant surnommés les « Poilus », Madame Delait était bien placée pour être adoptée comme mascotte. De nombreuses cartes postales la représentant ont circulé pendant le conflit.

Carte postale de Madame Delait posant debout, dans un jardin, avec un chien, dans une robe élégante.
Photographie en noir et blanc, de Madame Delait vêtue d'un long manteau se tenant près d'un petit avion.

Après la Grande Guerre, les Delait adoptèrent une fille, Fernande, dont les parents étaient morts durant l'épidémie de grippe espagnole. Ils ouvrirent alors une mercerie à Plombières-les-Bains.

Alors que sa renommée s'internationalise, Madame Delait est invitée à rejoindre le cirque de Phineas Taylor Barnum. Elle refusa pour rester avec son mari qui souffrait de rhumatismes. Au lieu de cela, elle voyagea à travers l'Europe, rencontrant de nombreuses personnalités célèbres, y compris des membres de familles royales et des chefs d'État.

Elle devient veuve en 1928, puis rouvre un bar où elle se produit dans des spectacles de cabaret.

En 1934, les mémoires de Madame Delait sont compilés et publiés par le journaliste local Paul Ramber. Vous pouvez voir la couverture ci-dessous.

Couverture du livre Les mémoires de la Femme à Barbe.

Clémentine Delait décéde en 1939, à l'âge de 74 ans. Sur sa pierre tombale, on peut lire : « Clémentine Delait, la femme à barbe », comme elle le souhaitait.


Traduction : Nolwenn Gouault