Plus d'un million de réfugiés belges et des milliers de soldats britanniques ont fui vers les Pays-Bas neutres.
Aujourd'hui, la crise mondiale des réfugiés est un sujet brûlant, qui fait la une des journaux et suscite des débats au sein de la société. Que faut-il changer dans la situation actuelle ? Qui est censé faire quoi et quand ? On peut considérer qu'il s'agit d'un problème actuel, mais en fait, l'Europe a été confrontée au même phénomène, il y a plus de 100 ans, lors de la Première Guerre mondiale.
Juillet 1914 : La Première Guerre mondiale débute et l'Europe se transforme brutalement. De nombreux pays européens sont envahis par les Allemands et rien ne peut arrêter cela.
La Belgique, en particulier, devint très vite le principal champ de bataille de cette guerre. La forteresse de Liège est tombée rapidement. Sous le commandement du plus haut officier de la marine de rang, Winston Churchill, la Grande-Bretagne a envoyé des troupes pour empêcher Anvers de tomber également entre les mains des Allemands.
Malgré tous les efforts, Anvers ne résista pas à l'ennemi. Plus d'un million de réfugiés belges et des milliers de soldats britanniques se sont donc enfuis aux Pays-Bas, pays neutre. L'exode belge était indéniable.
La plupart des civils réfugiés sont retournés en Belgique au bout d'un an.
Les militaires qui ont fui leur pays ont été internés dans des camps néerlandais. Ils devaient être désarmés immédiatement. Toutes les mesures ont été prises pour empêcher la poursuite des combats sur les territoires neutres.
Parmi d'autres villes, la ville néerlandaise de Harderwijk a triplé son nombre de citoyens. Quelque treize mille Belges sont internés dans un camp prévu à cet effet, où ils resteront jusqu'à la fin de la guerre.
Dans la ville de Groningue, la même procédure d'internement a eu lieu pour les soldats de la « Petite armée » de Churchill, qui sont venus sauver Anvers un peu plus tôt.
La vie quotidienne dans les camps de Harderwijk et de Groningue est d'abord inconfortable, faute de services de santé suffisants, et les conditions de vie provoquent beaucoup de désagrements. Pourtant, petit à petit, la situation des soldats internés s'est améliorée. Les camps sont devenus de véritables villages, avec différents types d'installations. À Harderwijk, un hôpital, un salon de thé de style anglais et une école pour lutter contre l'analphabétisme ont été construits.
L'église, le cinéma et le théâtre ont été régulièrement visités par les résidents des deux camps. Une nourriture à base de frites était très appréciée des Belges. Des événements sportifs et compétitions ont eu lieu tout au long de l'année, avec des tournois de cyclisme et un concours de la meilleure sculpture de neige. Même un combat d'ours, observé par un large public, eut lieu une fois, bien que nous n'en sachions pas les détails.
La main-d'œuvre non qualifiée a finalement été autorisée dans les fermes voisines, et certains des internés ont même été envoyés dans la province méridionale du Limbourg pour travailler dans les mines de charbon.
L'absence des proches a été difficile pour beaucoup d'entre eux. Un système de courrier transeuropéen a rapidement été mis en place, ce qui a permis aux internés d'envoyer des lettres et des cartes postales à leur famille. Une nécessité pour la plupart, car les relations avec les habitants n'étaient pas toujours aussi bonnes qu'on aurait pu l'espérer.
Aujourd'hui, cent ans aprè la Première Guerre mondiale, le phénomène bien connu ou plutôt très discuté des réfugiés dispersés à travers l'Europe présente de nombreuses similitudes avec le passé.
Continuerons-nous à fixer des limites à notre hospitalité et céder à la peur ? Ou allons-nous prendre soin de ces personnes et les aider à sortir de leur misère ? En fin de compte, nous pourrions avoir plus en commun qu'il n'y paraît. Cette histoire en est une parmi d'autres. Il n'est certainement pas facile d'en parler et de faire face au risque d'être victime d'une amnésie collective.
Aujourd'hui, avec le recul, en Belgique, les réfugiés de Harderwijk sont souvent considérés comme des déserteurs qui ont abandonné leur pays lorsque la situation s'est compliquée. À Groningue et à Harderwijk, les camps ont été complètement démolis quelques années après la guerre. D'autres camps sont restés en place et ont été utilisés de nouveau pendant la Seconde Guerre mondiale.
« Lest we forget » (N'oublions pas), une phrase couramment entendue en période de commémoration de la Première Guerre mondiale. Nous ne devons certainement pas oublier ce qui s'est passé sur les champs de bataille et dans les grandes sphères géopolitiques. En revanche, à la fin de la guerre, les communautés ont été profondément dévastées. Pour elles, la guerre se poursuivra pendant des années.
Nous devons continuer à raconter et à nous souvenir des histoires personnelles des membres de ces communautés.
Mettre l'accent sur leurs pensées, leurs émotions, leurs activités quotidiennes et leurs chagrins d'amour dans une perspective plus large. Ces gens ont une grande influence sur notre perception d'une époque révolue et nous permettent d'en saisir le contexte. Ils nous guident dans notre approche des réfugiés d'aujourd'hui, car ils se trouvaient dans une situation similaire à l'époque. Ils nous donnent une idée de ce qu'est un réfugié et nous aident à avancer vers l'avenir.
Nous savons où nous allons, parce que nous savons d'où nous venons.
Traduction : Nolwenn Gouault